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Comprendre, prévenir et traiter
La greffe d’organes et de tissus est une avancée médicale majeure qui sauve de nombreuses vies chaque année. Cependant, l’un des principaux défis après la transplantation est le rejet du greffon par le système immunitaire du receveur. Ce phénomène, bien que redouté, peut être contrôlé grâce à des traitements et un suivi médical rigoureux.
Pourquoi le rejet du greffon se produit-il ?
Le rejet du greffon est une réponse immunitaire naturelle de l’organisme contre un tissu ou un organe perçu comme étranger. Le système immunitaire est programmé pour défendre le corps contre tout élément extérieur, y compris les bactéries, les virus… et malheureusement, les organes greffés.
Le rôle du système immunitaire
Le système immunitaire est conçu pour identifier et détruire les cellules étrangères, qu’il s’agisse de virus, de bactéries ou, dans le cas d’une transplantation, d’un organe ou d’un tissu provenant d’un autre individu.
Le mécanisme central dans cette reconnaissance repose sur les antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), aussi appelés Human Leukocyte Antigens (HLA). Ces molécules, présentes à la surface des cellules, sont uniques à chaque individu. Lorsqu’un organe greffé contient des antigènes HLA différents de ceux du receveur, le système immunitaire peut déclencher une réponse de rejet.
L’importance de la compatibilité donneur-receveur
Pour minimiser le risque de rejet, des tests de compatibilité sont réalisés avant la greffe. L’objectif est d’assurer une correspondance aussi proche que possible entre le donneur et le receveur sur les antigènes HLA (Human Leukocyte Antigen). L’élément clé dans cette reconnaissance immunitaire est le système HLA . Il s’agit d’un ensemble de protéines situées à la surface des cellules, propre à chaque individu. Plus la compatibilité HLA entre le donneur et le receveur est élevée, plus le risque de rejet est réduit.
Malgré cette précaution, le système immunitaire du receveur peut quand même percevoir le greffon comme une menace, un « corps étranger » et tenter de l’attaquer, de le rejeter.

Les différents types de rejet
Le rejet du greffon peut survenir à différentes périodes après la greffe. Il existe trois types principaux de rejet :
- Le rejet hyperaigu (dans les premières heures ou jours)
Ce type de rejet est extrêmement rare aujourd’hui, grâce aux avancées en matière de compatibilité entre donneur et receveur. Il survient immédiatement après la transplantation, lorsque le système immunitaire attaque violemment l’organe greffé. Cela est souvent dû à la présence d’anticorps préexistants contre l’organe du donneur.
🔹 Conséquences : destruction rapide du greffon.
🔹 Prévention : tests de compatibilité rigoureux avant la greffe.
- Le rejet aigu (dans les premières semaines à mois)
Le rejet aigu est plus fréquent et survient généralement dans les 3 à 6 premiers mois après la greffe. Il est causé par une activation des cellules immunitaires qui attaquent l’organe greffé.
🔹 Symptômes possibles : fatigue, fièvre, gonflement, diminution de la fonction de l’organe greffé (ex. : baisse du débit urinaire pour une greffe rénale).
🔹 Traitement : augmentation des immunosuppresseurs, administration de corticoïdes.
- Le rejet chronique (mois à années après la greffe)
Ce type de rejet est plus insidieux et se développe lentement sur plusieurs mois ou années. Il est souvent lié à une réaction immunitaire de faible intensité qui, à long terme, endommage progressivement l’organe greffé.
🔹 Facteurs de risque : mauvaise observance du traitement, infections répétées, incompatibilité immunitaire partielle.
🔹 Traitement : adaptation du protocole immunosuppresseur, surveillance accrue.
Comment prévenir le rejet ?
La prévention du rejet repose sur plusieurs piliers essentiels :
Un suivi médical régulier
Les patients greffés sont suivis de près par leur équipe médicale afin de détecter tout signe précoce de rejet. Des bilans sanguins fréquents permettent d’analyser les marqueurs biologiques et d’ajuster les traitements si nécessaire.
Le traitement immunosuppresseur
Les médicaments immunosuppresseurs sont indispensables pour empêcher le rejet du greffon. Ils réduisent l’activité du système immunitaire, mais nécessitent un équilibre délicat : trop faibles, ils laissent place au rejet ; trop forts, ils augmentent le risque d’infections.
🩺 Exemples d’immunosuppresseurs :
- Corticoïdes
- Ciclosporine, Tacrolimus
- Mycophénolate mofétil, Azathioprine
L’observance du traitement
L’une des principales causes de rejet est l’arrêt ou la prise irrégulière des immunosuppresseurs. Il est crucial que le patient suive scrupuleusement son traitement, même en l’absence de symptômes.
Une hygiène de vie adaptée
Une bonne hygiène de vie permet de renforcer la tolérance du greffon :
✅ Éviter le tabac et l’alcool, qui altèrent la vascularisation de l’organe greffé.
✅ Avoir une alimentation équilibrée, riche en antioxydants et en nutriments essentiels.
✅ Pratiquer une activité physique adaptée et régulière pour préserver son état général.

Quels traitements en cas de rejet ?
Lorsque le rejet est confirmé, plusieurs stratégies peuvent être mises en place :
🔹 Augmentation des doses d’immunosuppresseurs : notamment les corticoïdes en cas de rejet aigu.
🔹 Modification du protocole médicamenteux : introduction de nouveaux immunosuppresseurs.
🔹 Traitements spécifiques : comme les anticorps monoclonaux qui bloquent certaines réactions immunitaires ciblées.
🔹 Dans certains cas graves, si l’organe est sévèrement endommagé malgré les traitements, une retransplantation peut être envisagée.
Le rejet du greffon : une épreuve, mais pas une fatalité
Le rejet ne signifie pas forcément l’échec de la greffe. Grâce aux avancées médicales, la plupart des rejets sont contrôlables. Même en cas de rejet sévère, des solutions existent :
- Ajustement du traitement immunosuppresseur
- Surveillance rapprochée pour agir rapidement
- Possibilité d’une retransplantation dans certains cas
🔹 Témoignages inspirants
De nombreux greffés vivent des années, voire des décennies, avec leur greffon, grâce à une bonne prise en charge et un suivi attentif.
L’important est d’être acteur de sa greffe, de suivre son traitement et de ne jamais perdre espoir.
Témoignage de Laetitia, greffée cardiaque en 2012
Laetitia a subi une transplantation cardiaque en 2012 à l’âge de 28 ans. L’intervention a été complexe en raison de son état de santé général. Elle a également fait face à un rejet précoce du greffon. Grâce à sa détermination et aux soins appropriés, elle a surmonté cette épreuve et a retrouvé une vie active.
« J’ai découvert ce qu’était la greffe cardiaque quand j’avais 9 ans puisque ma maman, qui avait la trentaine, a dû être greffée suite à une cardiomyopathie… Pendant longtemps, ma maladie (puisque je suis également touchée) n’a eu quasiment aucun impact sur ma vie quotidienne. Malgré un léger essoufflement, je faisais du sport, je travaillais, j’ai eu une petite fille… Tout allait bien.
C’est lors de mon second début de grossesse que la situation a dégénéré très rapidement. Une consultation « de contrôle » chez le cardiologue s’est révélée extrêmement inquiétante, ma fonction d’éjection étant réduite à 30% au lieu des 70-75% requis. Suite à un second avis médical, j’ai dû subir une interruption médicale de grossesse et peu de temps après, j’ai eu un gros malaise cardiaque avec douleur dans le bras. J’ai ensuite été inscrite sur liste d’attente à Caen, puis en mars 2012, j’ai changé de centre pour rejoindre celui de Rennes, et dû m’adapter à cet état de santé en dégradation, et à une vie « au ralenti ».
En juin 2012, tout s’est précipité : ma « fonction cardiaque a chuté brutalement à 10%, nécessitant une hospitalisation en urgence : les organes vitaux « lâchaient », le pronostic vital était fortement engagé, et un protocole d’urgence a été enclenché. Je devais être branchée 48h sur cœur artificiel, j’ai donc été endormie un dimanche midi et… le soir, un cœur est arrivé, j’ai donc été greffée dans la foulée ! L’intervention a été difficile et chaotique car j’étais en très mauvais état général (mes reins, notamment, fonctionnaient très mal), et je ne me suis vraiment réveillée que 3 semaines plus tard. Mais j’étais jeune, volontaire, et j’avais « la niaque », malgré un gros phénomène de rejet précoce. J’ai progressé de jour en jour, et très bien récupéré jusqu’à ne plus avoir aucune séquelle, et pouvoir reprendre le travail.
Quelques années après, j’ai pu envisager une grossesse et obtenir le feu vert de l’équipe médicale. Elle ne s’est pas déclenchée très vite, et a évidemment été suivie très strictement, mais Rose aura bientôt un an ! Elle est « mon petit miracle », car après avoir retrouvé la vie grâce à un don, je suis infiniment heureuse de lui avoir à mon tour transmise.
Aujourd’hui, j’ai le quotidien de toute maman qui travaille, mais je ne me sens pas plus fatiguée que les autres, et je supporte sans aucune difficulté les contraintes du traitement. Je vis normalement. Ma sœur également malade a, à son tour, été greffée il y a 2 ans ½. J’aurai donc vécu la greffe personnellement, mais aussi en tant que fille et sœur. Je mesure pleinement l’incroyable chance dont j’ai pu bénéficier (ainsi que ma famille), et je peux vraiment affirmer que la greffe m’a sauvé la vie.”
(source : Fédération Française de Cardiologie)
Ce témoignage illustre la réalité des patients confrontés au rejet de greffon. Ils démontrent que, malgré les défis, il est possible de surmonter ces épreuves et de mener une vie épanouissante grâce à une prise en charge médicale adaptée et un soutien constant.

Que faire en cas de rejet du greffon ?
Même si un rejet est diagnostiqué, il existe des solutions pour sauver le greffon et stabiliser la situation. Voici les étapes clés à suivre :
Reconnaître les premiers signes
Il est essentiel d’identifier rapidement les signes d’un rejet pour agir à temps.
🔹 Signes généraux :
- Fatigue inhabituelle
- Fièvre ou malaise
- Gonflement ou douleur au niveau du greffon
🔹 Signes spécifiques selon l’organe greffé :
- Greffe rénale : diminution du volume urinaire, œdèmes
- Greffe cardiaque : essoufflement, palpitations
- Greffe hépatique : jaunisse, troubles digestifs
Dès l’apparition d’un de ces symptômes, contacter immédiatement l’équipe médicale.
Consulter rapidement un médecin spécialisé
🔹 Prise de sang pour évaluer le fonctionnement du greffon (créatinine, enzymes hépatiques, etc.)
🔹 Biopsie du greffon pour confirmer la présence de cellules immunitaires anormales
🔹 Évaluation des niveaux d’immunosuppresseurs dans le sang
Une prise en charge précoce permet d’adapter rapidement le traitement.
Adapter le traitement immunosuppresseur
Lorsqu’un rejet est diagnostiqué, le traitement est immédiatement ajusté.
🔹 Renforcement des immunosuppresseurs
- Augmentation des doses de corticoïdes (Prednisone)
- Modification ou ajout d’un autre immunosuppresseur (Tacrolimus, Mycophénolate Mofétil)
- Perfusions d’anticorps spécifiques pour bloquer les cellules immunitaires agressives
🔹 Traitements ciblés en cas de rejet sévère
- Thérapies biologiques (anticorps monoclonaux) : Rituximab, Basiliximab
- Plasmaphérèse pour éliminer les anticorps du sang
Dans la majorité des cas, ces traitements permettent de stopper le rejet et de sauver le greffon.
Modifier son hygiène de vie pour protéger le greffon
En parallèle du traitement médical, adopter une bonne hygiène de vie est crucial :
✅ Ne jamais arrêter les immunosuppresseurs sans avis médical
✅ Éviter les infections (port du masque en période épidémique, éviter les contacts avec les personnes malades)
✅ Avoir une alimentation adaptée pour préserver le bon fonctionnement du greffon
✅ Gérer le stress qui peut influencer la réponse immunitaire
Envisager une retransplantation en dernier recours
Si malgré tous les traitements le greffon ne fonctionne plus, une retransplantation peut être envisagée.
🔹 Facteurs influençant l’éligibilité à une nouvelle greffe :
- État de santé général du patient
- Disponibilité d’un nouvel organe compatible
- Absence de contre-indications médicales
Grâce aux avancées scientifiques, de nombreux patients ont pu bénéficier d’une seconde greffe avec succès.
Un défi majeur de la greffe
Le rejet du greffon est l’un des défis majeurs de la transplantation, mais grâce aux progrès médicaux et à une surveillance rigoureuse, il est possible de le prévenir et de le contrôler. L’implication du patient dans son suivi et le respect scrupuleux du traitement immunosuppresseur sont des éléments clés pour garantir le succès à long terme de la greffe.
Il est essentiel de poursuivre la sensibilisation autour du don d’organes et du suivi post-greffe pour améliorer la qualité de vie des patients greffés et optimiser la réussite des transplantations.
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